Améliorer l’inclusion des élèves en situation de handicap : l’enseignement agricole se rapproche du secteur médico-social

La loi du 11 février 2025 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap a 20 ans d’existence. Depuis cette date, l’enseignement agricole ligérien s’est mobilisé pour accueillir les jeunes à besoins particuliers en milieu scolaire ordinaire. À la rentrée 2024, plus de 570 élèves en situation de handicap (3,3% des effectifs) sont inscrits dans les établissements d’enseignement agricole.

Un premier colloque régional sur l’accueil des apprenants à besoins particuliers dans les établissements d’enseignement agricole, organisé en 2023 par la DRAAF, avait mis en évidence le besoin de partenariat avec le secteur du médico-social au sujet de l’inclusion scolaire des jeunes en situation de handicap.

Le 13 mai 2025, à la Maison familiale rurale (MFR) du Cèdre à Saint-Barthélémy-d’Anjou (Maine-et-Loire), la DRAAF, en partenariat avec le réseau national "Inclusion" de la Direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER) du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, a proposé une journée de rencontre entre les acteurs de l’enseignement agricole et du secteur médico-social.
Parmi la centaine d’acteurs mobilisés, participaient notamment des représentantes de la DGER, la conseillère spéciale au handicap auprès de la Présidente de Région, des inspecteurs de l’Éducation nationale, dont le conseiller de la Rectrice sur les questions de handicap.

Des enjeux à la mise en œuvre concrète

En préambule, Annick Baille, directrice régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, et en cette qualité autorité académique de l’enseignement agricole, a rappelé que "c’est à un idéal démocratique et de justice que participe l’enseignement agricole" dans sa mission d’insertion scolaire, et en particulier des jeunes en situation de handicap.

Soulignant que le nombre de jeunes en situation de handicap accueillis dans les établissements d’enseignement agricole est passé de 360 élèves (2,1% des effectifs) à la rentrée 2022 à plus de 570 (3,3% des effectifs) en 2024, et que les moyens financiers alloués à leur accompagnement sont passés, sur la même période, de 1,5 million d’euros à 2,5 millions d’euros.

Une telle évolution impacte nécessairement les organisations et projets d’établissements, ainsi que les conditions d’exercice des personnels enseignants et d’éducation. Un des objectifs que s’est fixée la DRAAF pour permettre aux établissements de répondre à ces enjeux est de professionnaliser les acteurs de l’accompagnement des jeunes, qu’ils soient enseignants, personnels administratifs ou accompagnant les jeunes (auxiliaires de vie scolaire).

Une dynamique de professionnalisation des acteurs

La journée de rencontre des acteurs du secteur médico-social s’est inscrite dans cette dynamique, tant en termes d’interconnaissance que d’échanges de pratiques.

Outre un rappel de la politique d’insertion nationale portée par la DGER, une intervention de Patrice Bourdon, maître de conférences en sciences de l’éducation à l’université de Nantes a mis en lumière le lien – et les ruptures – entre les notions d’inclusion et de participation.

les acteurs médico-sociaux ont rappelé les appuis possibles de leur secteur à l’enseignement, que ce soit par les équipes mobiles d’appui à la scolarisation (EMASCO) ou par le biais des unités d’enseignement externalisées (dispositif scolaire en établissements médico-sociaux).

La question de l’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap, à l’issue de leur parcours scolaire, est également un enjeu, présenté par Cap Emploi. Elle fait pleinement partie des missions dévolues à l’enseignement agricole par le code rural.

Un travail partenarial en développement

Au sein d’ateliers mixtes, les acteurs de l’enseignement et du médico-social ont pu approfondir les échanges sur :

  • les principes et la mise en œuvre de l’accessibilité,
  • les attentes réciproques en milieu scolaire, mais aussi en apprentissage et en formation professionnelle continue,
  • les conditions d’orientation et d’insertion sociale et professionnelle des apprenants en situation de handicap,
  • un projet de création d’un réseau régional des référents handicap de l’enseignement agricole.

 
Face à l’accroissement du nombre d’élèves en situation de handicap accueillis par l’enseignement agricole, la réponse de la DRAAF est ainsi de proposer une approche globale, associant l’ensemble des acteurs de l’inclusion, tout au long du parcours scolaire des jeunes jusqu’à leur entrée dans la vie professionnelle. La mise en réseau des acteurs et le développement des partenariats en constituent un des éléments clés.

Vidéo : les acteurs parlent de l’inclusion scolaire dans l’enseignement agricole

Vers plus d’inclusion scolaire dans l’enseignement agricole (vidéo, durée : 10 min 24 s)

Réalisation : Mathieu Perdoncin, Éducagri éditions - © DRAAF des Pays de la Loire - Juillet 2025

Enseignement agricole : vers plus d’inclusion en Pays de la Loire »
13 mai 2025, Angers

Julien Pichon, référent inclusion scolaire, service régional formation et développement, DRAAF des Pays de la Loire
L’aventure entre la DRAAF et le médico-social, elle a surtout commencé en janvier 2023.
On a organisé un colloque à Anger sur l’accueil des jeunes à besoins particuliers dans les lycées agricoles et les MFR, et on avait fait intervenir l’ARS, qui nous avait présenté les possibilités d’appui du médico-social auprès du milieu ordinaire dans la perspective de pratiques efficaces d’inclusion scolaire.
Deux ans plus tard, on a voulu renouveler cette idée de colloque parce que ça avait
très bien marché, en zoomant cette fois-ci justement sur ces liens possibles entre le médico-social et l’enseignement agricole.

Philippe Nénon, chef du service régional formation et développement, DRAAF des Pays de la Loire
Donc aujourd’hui est une journée importante au niveau de la région, nous avons réuni un certain nombre de partenaires, à la fois des centres de formation, des établissements publics et privés, des instituts sociaux, médico-sociaux, des institutionnels, que ce soit au niveau de la Direction générale de l’enseignement, de la recherche ou du Conseil régional.

Donc, l’objet, c’est d’une part, faire une forme de réseautage, de faire rencontrer les gens autour de la thématique importante qui est l’accompagnement des élèves à besoins particuliers.

Julien Pichon
Et l’idée c’est de créer encore plus de ponts. Alors je dis encore plus, parce que ils ne nous ont pas attendu le médico-social et l’enseignement agricole pour travailler ensemble, il y a déjà beaucoup de choses qui se passent sur le terrain, mais l’idée c’est de pouvoir développer encore plus ce travail en équipe au service des jeunes en situation de handicap, au service de leur inclusion scolaire, au service de leur parcours, de leur réussite, mais aussi au service des personnels éducatifs,les enseignants par exemple, pour qu’ils puissent monter en compétences sur l’accueil de ces jeunes, et pour qu’ils puissent participer pleinement à leur réussite.

Laure Duret, co-animatrice du réseau national « Inclusion », direction générale de l’enseignement et de la recherche, ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
C’est deux mondes qui sont extrêmement complémentaires, qui ont des missions complètement différentes, des types d’accompagnement qui sont différents mais qui sont complémentaires et qu’il faut absolument construire conjointement, en collaboration, pour ne pas que ça empiète l’un sur l’autre.
Parce que les acteurs du médico-social ont parfois des éléments de réponse, des éléments de compréhension à apporter aux acteurs de l’enseignement. Et inversement, les acteurs de l’enseignement peuvent aussi avoir des éléments de compréhension et des éléments de réponse à apporter aux acteurs du médico-social.

Donc pour mieux construire un accompagnement et mieux accompagner des élèves, il faut vraiment qu’il y ait collaboration entre ces deux mondes.

Béatrice Annereau, conseillère spéciale au handicap, Conseil régional des Pays de la Loire
Alors ces points sont importants et du coup, nous à la Région, on travaille aussi dessus puisqu’on va mettre en place dans chaque département un dispositif, qu’il s’agisse d’une UE ou d’une ULIS ou d’un dispositif même plus large, du médico-social dans les établissements.

Philippe Nénon
Au niveau de la direction régionale de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt, en tant qu’autorité académique, on a une mission d’accompagnement, donc un accompagnement qui se traduit financièrement.
Sur l’année 2024, nous sommes à 2,5 millions d’euros pour l’accompagnement, à la fois en aide humaine, c’est à dire avec des accompagnateurs ce qu’on appelle des AESH, mais aussi du moyen matériel, des ordinateurs ou du matériel de bureau, des chaises, de telle façon que les élèves puissent assurer leur scolarité.

Laure Duret
La DGER est en charge de tout ce qui est mis en œuvre, les politiques éducatives, et l’accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers est un axe des politiques éducatives qui est important, et c’est aussi important de favoriser l’émergence de ce type d’événement.

Frédérique Dubourdieu, référente handicap, réseau pprentissage et formation professionnelle agricoles public, lycée agricole Nature à La Roche-sur-Yon
On a la chance par la structure de notre institution d’avoir cette proximité, et du coup on est entendu, accompagné et soutenu dans les démarches, et ça c’est vraiment une richesse qu’on a dans l’enseignement agricole.

Philippe Nénon
La journée d’aujourd’hui, au delà du travail collectif qu’on essaye de mettre en place, ça permet aussi d’avoir une intervention d’un chercheur de l’Université de Nantes, qui donne de la hauteur aux problématiques liées à l’accueil des élèves en situation de handicap.

Patrice Bourdon, maître de conférences en sciences de l’éducation, universite de Nantes
J’ai essayé d’amener aujourd’hui à la fois de réfléchir à certains concepts.
J’ai parlé par exemple du concept de liminalité, le fait d’être ni en dehors de l’école ni complètement dans l’école, de rester sur le seuil.
J’ai parlé des questions d’accessibilité, alors pas d’accessibilité au bâti ou aux immeubles, à l’architecture, mais d’accessibilité cognitive, aux savoirs, aux interactions avec d’autres.
Et dans mes réflexions et mes analyses autour de ces grands concepts théoriques.
j’apporte effectivement un certain nombre d’exemples de situations que je rencontre en allant en classe ou dans mes recherches, les travaux que je mène avec mes étudiants, etc, ou dans les thèses que j’encadre, de voir comment ça peut se matérialiser, cette question de la liminalité ou de la participation effective, de la reconnaissance sociale, etc, un certain nombre de points sur lequel j’ai développé mon discours ce matin.

Philippe Nénon
Le constat que nous faisons depuis plusieurs années, que c’est une chose d’avoir cet accompagnement, c’en est une autre d’accompagner les équipes pédagogiques.
Parce que d’avoir des élèves en situation de handicap dans des classes, ça change la manière d’enseigner, ça change la manière d’accompagner les élèves, ça représente un peu plus de 3 % des élèves qui sont dans cette situation dans l’enseignement agricole des Pays de la Loire.
Et donc notre objectif, nous, c’est d’essayer de travailler d’une manière qualitative avec des équipes pédagogiques, essayer de leur donner des éléments, c’est à dire que faire quand on a des élèves avec des troubles autistiques, que faire avec des élèves qui ont des troubles moteurs, comment on les intègre réellement dans la classe ? Comment on assure leur progression pédagogique, leur apprentissage et comment on intègre leurs compétences et comment on leur apporte d’autres compétences.
Donc ça, c’est l’objet de la journée, de mettre tout le monde autour de la table, de voir ce qui peut être fait ensemble.
Là, un projet concret, c’est des conventions qu’on va faire avec les EMAS (équipes mobiles d’appui à la scolarisation) par département, qui viennent apporter une expertise, un accompagnement ; ils ne se suppléent pas aux équipes pédagogiques, mais ils sont là pour apporter du conseil, de l’expertise, la connaissance de ces situations, et ainsi pour les équipes pédagogiques, de bien intégrer le fait des besoins particuliers de ces élèves et de pouvoir mieux les intégrer dans leur classe et dans leur progression pédagogique.

Mathilde Karam, accompagnatrice d’élèves en situation de handicap (AESH), lycée les Buissonnets à Avrillé (Maine-et-Loire)
En fait, notre rôle aujourd’hui, il est important d’être ici et de rencontrer tout le monde.
Parce que on peut arriver avec un élève, en classe ça se passe très bien, mais au niveau des stages ça se passe moins bien. Et du coup c’est important que moi je puisse aussi aller dire à mes collègues ou à mes supérieurs "voilà, il y a ce type d’associations, du réseau qu’on peut contacter pour aider nos jeunes."
Aujourd’hui, on est tous à être à fond sur notre travail et c’est très bien, on le fait tous très bien. Ce qui manque, voilà, c’est ce réseau qui permet de dire "voilà, là j’ai
un souci, je peux appuyer sur ce bouton pour prendre cette personne" et du coup
aller dans l’inclusion totale de l’élève.
L’inclusion totale de l’élève, c’est autant sur la partie scolaire que sur la partie professionnelle.
Moi je suis dans un lycée professionnel,donc forcément il y a des stages, forcément quand l’élève rentre dans nos filières, c’est aussi pour apprendre un métier, et pour aller sur le monde du travail.
Et on a besoin de tous ces acteurs et de connaître tous ces acteurs, créer un lien aussi avec eux, pour pouvoir aider l’élève à aller plus sereinement dans la vie active.

Patrice Bourdon
Si on entre du côté quantitatif, on s’aperçoit qu’en 20 ans, on est passé de 90 000 à 490 000 à peu près élèves en situation de handicap, qui sont scolarisés en milieu régulier, ordinaire.
Mais dans le même temps, on s’aperçoit que les courbes d’accès à l’emploi pour les personnes qui ont bénéficié d’une reconnaissance en qualité de travailleur handicapé, sont toujours plus basses dans l’accès au travail que les personnes reconnues valides.
Et donc il y a une difficulté d’accès au travail qui reste permanente, y compris pour des gens qui ont des niveaux de formation et de compétences assez élevés. Par exemple, 80 % des jeunes très diplômés – école d’ingénieurs, bac plus cinq ou doctorat - qui sont autistes n’ont pas de travail.
Donc on voit qu’il y a encore un certain nombre de problèmes, de barrières qui sont en place pour pouvoir accéder à la cité, accéder aux activités ordinaires de la ville, de la commune, de la cité, etc.

Béatrice Annereau
Donc il faut aujourd’hui, en fait continuer à sensibiliser au handicap, parce qu’on a encore beaucoup, beaucoup, beaucoup de retard.
En tout cas nous à la Région, on essaye avec nos compétences, d’irriguer, en fait dans tout, la formation, l’orientation, les lycées, l’entreprise, l’emploi, le tourisme et bien d’autres encore compétences, de porter le sujet du handicap, dans vraiment tout l’ensemble de nos directives.

Patrice Bourdon
Ce que je dis souvent à tout personnel qui travaille auprès de jeunes qui ont des besoins particuliers, qui ont des fonctions en particulier, "ne restez pas seuls et isolés, allez chercher des ressources, dans le médico-social, auprès de professionnels qui ont des compétences que vous n’avez pas. Vous en avez en didactique, en pédagogie, en gestion de groupe. Et donc allez chercher des ressources, ne restez pas seul, travaillez en équipe, construisez des projets ensemble pour pouvoir mettre vos forces et vos compétences dans une même énergie, pour pouvoir donner accès à une participation effective de tous, de chacun, chacune, toutes et tous, sans qu’il y ait de distinctions possibles".

Citation finale, Annick Baille, directrice régionale de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt
En ces temps où il est urgent de mettre en avant les valeurs de la République, il est essentiel de rappeler qu’une attention plus grande aux élèves en situation de handicap a des retombées positives sur l’ensemble des élèves ainsi que sur la vie au sein de l’établissement.
C’est à un idéal démocratique et de justice que participe l’enseignement agricole.


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